Transmission de la mémoire par les jeunes aux jeunes générations
Dans le cadre des 30èmes commémorations du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994, des jeunes lycéens et étudiants du cycle supérieur se sont joints aux cérémonies organisées par Ibuka France après 30 ans des faits.
Lycée Victor Duruy Paris 7ème sur « Passage de témoin »
Anne Angles : Samedi 9 mars 2024 : Ils sont là, mes 26 élèves de terminale HGGSP, devant la salle 307, pour une fois tous à l’heure, prêts à rencontrer, écouter, interroger Yvonne, qui accompagnée par la Ligue de l’enseignement et Ibuka-France dans le cadre du projet « Construire le monde d’après », vient au lycée partager une histoire, son histoire, faite de violence, de souffrance, de sang, de larmes mais aussi de force, de détermination et d’espoir. 30 ans après, pourquoi faire venir une rescapée dans une salle de classe ? Pourquoi faire entendre aux lycéens une histoire si lourde alors qu’ils ont déjà tant à porter ? Est-ce parce que le génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda et en particulier les gacaca sont inscrits au programme depuis 2019 ? Est-ce parce que l’esprit et la raison butent et bloquent sur ce qui peut pousser à discriminer une population, à la déshumaniser, à la désigner à la vindicte populaire en la chargeant de crimes fantasmés ? Est-ce parce qu’en 1994, je n’ai pas compris moi-même ce qui était à l’œuvre ? Est-ce parce que comme le dit Stéphane Audoin Rouzeau : « Le moins que nous puissions faire, en historiens, c’est de rendre justice à toutes ces vies dévastées […] en évitant qu’elles soient absolument effacées » ? Est-ce parce que dans quelques mois, mes 26 élèves auront peut-être tout oublié de mes cours sauf cette rencontre au cours de laquelle l’Histoire a brusquement pris le visage souriant d’une femme élégante, Yvonne et que sa voix fluette a obtenu un silence et une attention, entrecoupés de larmes et de questions, que je n’ai jamais réussi à obtenir en cours ? Est-ce parce que cette Histoire tout simplement s’écrit au présent et que nous en sommes à la fois comptables et conteurs ? Finalement comme toujours, ce sont les élèves qui en parlent le mieux. Laissons-les dire.
Ce que nous commémorons aujourd’hui, est destiné à être bien plus qu’une leçon d’écolier. Ce qui n’était au départ que dates, faits et chiffres couchés sur du papier s’est transformé en noms, en visages, en lieux habités et en lieux de mémoire. Aujourd’hui, nous rendons hommage aux disparus, aux survivants et à leurs proches. Aujourd’hui, nous nous souvenons des vies perdues, des familles brisées, et souhaitons apporter notre soutien à toutes les victimes du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda.
Aujourd’hui, nous tenons à exprimer notre profond respect à chacun de vous, notre empathie pour vos parcours, vos douleurs et vos luttes. Si près d’un million de personnes ont pu être assassinées, c’est parce que des années de discours de haine, de discriminations, de propagande, de culture d’impunité ont peu à peu banalisé le mal. Ce génocide n’est pas une question ethnique, il est le résultat d’un ensemble de facteurs historiques, politiques et sociaux que nous pouvons identifier et nommer.
Etudier un génocide en classe, ce n’est malheureusement pas la première fois ni une nouveauté. Le génocide perpétré contre les Héréros et les Namas en Namibie entre 1904 et 1908, celui des Arméniens en 1915 dans l’Empire ottoman, la Shoah durant la Seconde Guerre Mondiale, je les ai étudiés au collège ou les ai rencontrés au gré de mes lectures scolaires. Mais j’ai étudié les faits, en surface, sans vraiment prendre conscience de leur gravité, sans être frappée par leur violence, me gardant à distance des événements, sans mesurer leur cruauté et leur impact.
Pour moi, l’étude du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994 a été un choc. Pour la première fois, le génocide ne se présentait pas simplement comme un déroulé de faits mais se présentait sous forme humaine. C’était la première fois que je rencontrais une rescapée, une femme, Yvonne, un être humain comme moi, comme nous, comme vous. Derrière les statistiques, soudain, il y avait des visages, des familles, une humanité réelle et partagée.
Le samedi 9 mars 2024, Yvonne est venue pour partager, son histoire, une histoire qui retrace l’horreur qui a frappé le Rwanda. La mort, Yvonne l’a vue de ses propres yeux, dès les premiers jours d’avril 1994.
Assister au massacre de sa famille. Se faire passer pour morte au milieu des cadavres des siens. Ne pas bouger. Ne pas hurler en dépit des blessures subies. N’être en sécurité nulle part. Demander vainement de l’aide aux voisins. Se cacher dans un buisson, dans la forêt. Affronter la faim, les chiens errants, se trainer dans des maisons vides. C’est inimaginable. Yvonne, votre courage force le respect.
Ce jour-là, nous avons rencontré une femme ordinaire et extraordinaire à la fois. La femme que nous avons rencontrée, plus qu’une victime du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda, est une femme forte à qui nous souhaitons témoigner notre admiration et notre reconnaissance. Son passage dans notre classe a laissé une empreinte indélébile, nous rappelant la valeur de chaque instant de paix et le prix infiniment précieux de la vie. Merci Yvonne.
Derrière une histoire individuelle se dessine aussi l’histoire collective, celle des victimes du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda. Comme Yvonne, venue témoigner dans notre classe, certains ont échappé à l’horreur en se cachant, en retenant leur respiration. Comme Yvonne, certains ont couru autant qu’ils le pouvaient, pour fuir les tueurs. Comme Yvonne, certains se sont retrouvés au cœur des massacres et ont réussi miraculeusement à échapper à la mort. Car fort heureusement, tout le monde ne meurt pas dans un génocide. L’entreprise d’anéantissement d’une population, aussi planifiée soit-elle, est vouée à l’échec parce qu’il y a toujours des survivants. Mais des millions de vies restent profondément marquées et portent en elles des blessures parfois invisibles.
En honorant la mémoire des disparus et en soutenant les survivants, engageons-nous dans la construction d’un avenir meilleur et luttons sans trêve contre tous les « faussaires de l’Histoire », ceux qui prétendent effacer jusqu’au souvenir du génocide mais aussi ceux qui sont encore en 2024 animés d’idées et d’intentions génocidaires.
En tant que jeunes, nous ne pouvons pas changer le passé, mais nous pouvons impacter le futur. Nous pouvons choisir de rejeter la haine et les discriminations. Où que nous soyons, nous nous engageons à lutter contre le racisme et l’intolérance sous toutes ses formes. Que ce jour de commémoration renforce notre détermination à bâtir un monde où la paix et la justice prévalent. Alors que nous commémorons aujourd’hui les 30 ans du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en présence d’Yvonne, nous nous engageons à ne jamais oublier, à transmettre et partager aux générations futures l’histoire et la mémoire de ce génocide. Aujourd’hui plus que jamais résonne encore en nous et pour longtemps cette dernière phrase prononcée par Yvonne le jour de notre rencontre : « Vous êtes maintenant les héritiers de cette mémoire ».
Texte d’Erika 19 ans
Bonjour à toutes et à tous.
Je me présente, je m’appelle Erika Icyitegetse, j’ai 19 ans, je suis née le 9 février 2005 à Paris. Je suis la fille de Solange Umulisa
Icyitegetse rescapée du génocide des tutsi au Rwanda. Ma mère née le 26 mai 1985 a vécu le génocide en 1994 dans sa chair et dans son cœur. Alors qu’elle n’avait que 8 ans, elle a connu des douleurs qu’aucun enfant de cet 8 âge ne mériterait de vivre. Toute sa famille a été massacrée. Je ne sais pas comment elle a pu se débrouiller toute seul. Je n’ai pas de grands-parents, de tantes, oncle, etc… J’en souffre. Heureusement qu’elle est là. Ma mère est ma seule famille. J’ai grandi uniquement avec elle, sans figure paternel. Elle était encore très jeune lorsque je suis venue au monde. Mais elle a toujours su s’occuper de moi jusqu’à présent malgré tous les traumatismes qu’elle a pu connaitre.
En effet, les tutsi ont vécu des choses horribles, tous sans exception. Beaucoup y ont laissé la vie, plus d’un million dont une très grande proportion d’enfants. Les rescapés vivent avec des séquelles ou sont traumatisés à vie. Je suis née en France. Je suis française et j’en suis fière. Mais depuis toute petite, je sais aussi que je suis rwandaise. Je remercie Maman de m’avoir fait connaître cette deuxième dimension de mon identité. Depuis petite, elle m’a parlé de son histoire, de sa famille et du génocide. J’ai baigné dans une double culture, française et rwandaise. Je suis fière de mes origines rwandaises, du pays de ma mère. J’ai toujours vécu en France. Mais par ma mère et ses copines, j’ai le sentiment d’avoir baigné également dans la culture de leur pays d’origine. Grâce à ses copines, j’ai le sentiment que notre famille était très grande. Elles nous ont évité la solitude/
Aux côtés de maman, j’ai assisté, à plusieurs reprises, aux cérémonies de commémoration du génocide et j’ai entendu les témoignages de rescapés. Quand j’étais encore très jeune on me disait souvent de sortir de la salle quand c’était le moment des témoignages, soit – disant pout éviter que je sois choquée et traumatisée. A 19 ans, j’ai pu lire le témoignage de ma mère, quel choc, j’ai tellement pleuré. Je comprends totalement pourquoi on ne me laissait pas écouter cela. Ces histoires et ces paroles peuvent être traumatisantes pour un jeune enfant. Aujourd’hui je vous transmets ce que je ressens en tant qu’une enfant de rescapée. Je sais que dans le futur, il sera de mon devoir de transmettre cette histoire à mon tour. Je sais qu’un jour celles et ceux qui ont connu le génocide ne seront pas là pour en témoigner. Mais je serai là pour le faire afin que ce qui s’est passé en 1994 au Rwanda ne s’oublie pas. Je suis prête. J’invite tous les jeunes de mon âge à prendre conscience du devoir qui sera demain le nôtre et à s’y préparer en écoutant les témoignages de leurs parents et de leurs familles, et en lisant tout ce qui s’écrit sur le génocide des Tutsi du Rwanda. Nous devons témoigner de leur souffrance et de leur courage. J’estime que c’est mon devoir, que c’est notre devoir.. Aujourd’hui c’est la 30ème commémoration. Nous sommes ici réunis pour commémorer, pour nous souvenir. J’espère que cette pratique va se perpétuer de générations en générations.
Merci à vous de m’avoir écoutée et vous prie d’excuser les maladresses que vous avez pu constater. C’est ma première fois.
Erika
A Rouen le 13 Avril 2024, témoignage de Gaëlle Uwase 24 ans
Mr le Maire, Excellence Ambassadeur, Mr le sous-préfet, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs,
Je m’appelle Gaëlle, j’ai 24 ans, je fais partie de la génération post-génocide, pour introduire mon propos je vais commencer par vous partager une partie de mon histoire : Je suis une jeune franco-rwandaise, issue d’une mère rwandaise et d’un père français. J’ai appris ce qu’est un génocide à l’âge où on apprend à lire et à écrire. Les événements organisés par l’école primaire pour la fête des grands-pères m’ont conduit à poser une question précoce à ma mère : pourquoi n’ai-je pas de grand-père ? Elle a alors dû m’expliquer la situation. Vous comprenez que pour des parents, transmettre cela à son enfant n’est pas chose aisée. Toutefois, c’est ce qu’ils ont fait avec la plus grande attention, honnêteté et bienveillance. Je les remercie.
J’ai alors compris très vite ce qu’est un génocide. Surtout, j’avais des réponses face aux interrogations de mes camarades ! Leurs questions sont arrivées vite, je n’ai rien caché aux autres enfants, et je tenais à raconter cette histoire, rendre mémoire à mon grand-père ainsi qu’aux autres victimes, sans le savoir mon devoir de transmission commençait même si cela restait enfantin. Puis, en grandissant j’apprenais de plus en plus de choses à savoir que la France avait collaboré avec les génocidaires… A ce moment-là, je me suis dit : comment est-ce possible ? J’y reviendrai plus tard, cependant je dois reconnaître que je me suis construite avec une question identitaire : est-ce que la grenade qui a tué mon grand-père venait de France ? Et si la France n’avait jamais livré d’armes aux génocidaires, peut-être que mon grand-père serait en vie, et plein d’autres Tutsi aussi ? Face à ces questions deux choix s’offraient à moi : soit ne pas chercher à en savoir plus, oublier cette violente histoire et renier une partie de mes racines ? Ou alors, continuer à comprendre, à remonter l’histoire pour pouvoir au mieux rendre mémoire aux victimes et transmettre dignement cette tragédie ? Vous vous en doutez si je suis face à vous aujourd’hui c’est que mon choix s’est porté sur la deuxième solution.
Alors, aujourd’hui, nous sommes réunis pour commémorer un chapitre sombre de l’histoire du Rwanda mais aussi de la France, un chapitre marqué par la tragédie incommensurable du génocide des Tutsi.
La première fois que je me suis exprimée en public sur ce sujet, j’avais 8 ans lors de la commémoration des 13ans du génocide que ma mère organisait. A cette époque, j’utilisais l’art comme exutoire j’avais récité un de mes poèmes que j’avais écrit sur le génocide des Tutsi. Comme vous le comprenez, je suis une des héritières de cette histoire qui nous rappelle la fragilité de la paix et la barbarie dont l’humanité peut être capable. Le mécanisme du génocide vise à exterminer des personnes pour ce qu’elles sont et à annihiler leur culture. De plus, ce mécanisme est un processus long donc souvenons-nous aussi des prémices du génocide des Tutsi qui remontent à 1959, 1963, 1973, les pogroms anti-tutsi sus de tous et restés impunis, commémorons ces morts aussi et rappelons-nous des vagues de réfugiés arrachés de leur terre pendant des décennies. Le génocide des Tutsi est une blessure profonde dans le tissu de nombreuses personnes, une blessure qui ne peut être refermée sans reconnaissance, sans justice et sans vérité. En tant que descendante de victime, je porte avec moi le fardeau des récits transmis par mes ancêtres, des récits empreints de souffrance, de perte et d’injustice. Mais je porte aussi avec moi le flambeau de la résilience, de la dignité et de la volonté de ne jamais oublier. Comme nombre de mes compatriotes, j’ai le devoir de reprendre et répandre cette mémoire aux générations futures, de leur enseigner les leçons amères tirées de notre passé pour qu’elles puissent bâtir un avenir fondé sur la compassion, la tolérance et le respect de la dignité humaine.
Nous devons être les gardiens vigilants de notre histoire, mais aussi les acteurs de notre futur dont la quête est la vérité et la justice.
Transmettre la mémoire du génocide des Tutsi, c’est aussi reconnaître la souffrance des survivants, ceux qui ont enduré l’innommable et qui portent encore les cicatrices de cette tragédie dans leur chair et dans leur esprit. C’est leur offrir notre soutien, notre solidarité et notre empathie, afin qu’ils puissent guérir et reconstruire leur vie avec dignité. Je remercie et salue l’association IBUKA pour ce noble combat qu’elle nous transmet et mène avec brio. En cette journée commémorative, je tiens à rappeler que la transmission passe par l’engagement de poursuivre la lutte contre le négationnisme, contre toutes les formes de discrimination et de haine.
Comme dit en introduction de mon discours, la France était présente et a aidé les génocidaires avant et durant le génocide des Tutsi. J’ai su cela jeune, et je me suis retrouvée face à l’incompréhension. Pour une enfant, tout le discours scolaire en cours d’éducation civique et d’histoire se brise, le pays des Droits de l’Homme, des Lumières a collaboré avec un régime génocidaire et l’a aidé activement malgré le “never again” post-seconde guerre mondiale. Heureusement, l’école m’a aussi appris à avoir l’esprit critique, j’ai donc su le mettre en pratique aussitôt. Avec l’âge, j’ai approfondi mes recherches jusqu’à découvrir les propos outrageants tenus par le président de la république française de l’époque. Un notable mépris et manque de considération de la part de ce dernier représente bien cette humanité à géométrie variable, complexe à comprendre pour une franco-rwandaise. Alors qu’il avait le pouvoir de l’empêcher bien en amont mais il manquait la volonté… Cela traduit un racisme, une ignorance et un manque de reconnaissance de la part de nos divers gouvernements pendant et suite au génocide. En a découlé la promesse de toujours me battre pour la vérité et la reconnaissance du génocide des Tutsis, mais aussi des autres qui pourraient exister. Le rapport Duclert portant sur l’implication de la France durant le génocide est un pas vers la réconciliation mais il aura fallu attendre 27 ans après le génocide pour que cela soit fait. Plus encore, certaines archives demeurent inaccessibles. Ce soutien français a continué même après le génocide. En effet, plusieurs anciens génocidaires ont trouvé l’asile en France sans problème. Alors que les rescapés ont fait face à de nombreux obstacles et ont dû se battre, jusqu’à faire face à des OQTF, pour trouver l’asile en France, et cela même de nos jours. Quant aux anciens bourreaux qui sont imprégnés de l’idéologie génocidaire, eux, sont intégrés à notre société française et continuent de propager des théories négationnistes et une haine anti-tutsi. Plus encore, ils n’ont pas été jugés ou le sont tardivement ou sont considérés “inaptes”. Un exemple marquant est celui d’Agathe Habyarimana, l’une des fondatrices de l’Akazu, qui vit paisiblement en France non loin de Paris. Pourquoi ? Parmi ces bourreaux, certains d’entre eux ont trouvé refuge à Rouen. Alors, peut-être que les collines de Rouen les ont charmés. Mais cela n’enlèvera jamais les crimes qu’ils ont commis et l’insécurité qu’ils veulent faire régner sur nous en France… Ainsi, l’inauguration d’une telle stèle dans cette ville représente un symbole concret et fort. Merci à la ville de Rouen et à toutes les personnes ayant contribué à cette journée. Merci de ne pas donner gain de cause aux génocidaires vivant ici. Ne les laissons pas avoir de l’emprise, ne les laissons pas nous taire, ne les laissons pas propager leur haine.
Cette stèle représente pour moi une reconnaissance et une sorte de pardon qui j’espère sera animée chaque année pour commémorer et transmettre ce génocide. Qui plus est, j’aimerais vous dire que nous avons tiré les leçons du passé et que les crimes contre l’humanité n’existent plus. Mais force est de constater que l’extrémisme et la haine de l’autre continuent de décimer des générations entières d’êtres humains, comme vous et moi. Cela se déroule dans plusieurs régions du monde en 2024: de la Palestine, à la RDC, à la Chine. Comment faire pour que l’histoire du génocide des Tutsi puissent aider les populations sujettes à une telle tragédie actuellement ? Et comment faire pour prévenir de tels crimes dans le futur ? Pour moi la prévention est possible uniquement grâce à la transmission. Mais pour que cette transmission soit effective il faut enseigner :
- d’une part le mécanisme long du génocide qui passe par la déshumanisation d’une population, le génocide en lui-même,
- et d’autre part le post-génocide à savoir la reconstruction et la commémoration.
Concernant le génocide de Tutsi du Rwanda de 1994. Nous commémorons la souffrance de tous ces martyrs tués allant du nourrisson à la personne âgée. Les génocidaires estimaient que toute personne Tutsi était apte à mourir car ils étaient des inyenzi ce qui signifie des cafards cela depuis 1959. Ce qui leur permettait de justifier les sévices innommables qu’ils leur ont infligés. Souvenons-nous que les voisins, les professeurs, les policiers, les maris tuaient leurs semblables à coups de machettes, grenades, gourdins, mitraillettes. Pour que mon propos soit complet permettez-moi de parler du post-génocide. Je tiens à souligner la force du Rwanda, des survivants et de leurs sacrifices, du FPR et du président Kagame. Aucun pays de ce monde a su se relever comme le Rwanda l’a fait. Un pays abandonné par tous avant, pendant et après 1994. Avant 1994 le mot génocide n’existait pas en kinyarwanda. La beauté de mon pays est cette résilience et ce pardon. Un véritable exemple.
Ce qui est important à relever dans la reconstruction rwandaise, est qu’elle a été possible grâce aux traditions pré-coloniales : la justice par les gacaca. C’est la culture qui a résisté aux colons qui nous a sauvés , cette même culture qu’ils ont voulu annihiler. J’estime que c’est l’un des enseignements les plus importants de l’histoire du génocide des Tutsi et j’espère que cela servira d’espoir et d’exemple aux populations sujettes à ce genre de tragédie. Oeuvrons pour la justice, pour que les responsables de ces crimes abominables rendent des comptes devant la loi. Engageons-nous à construire un monde où la diversité est célébrée, où la paix est préservée et où la dignité de chaque individu est respectée. Soyons alerte du mécanisme du génocide à savoir des crimes ciblés, répétés sur un groupe et qui restent impunis durant de longues années. Alertons dès que nous en sommes témoins. Œuvrons pour que la France n’arme plus des génocidaires et qu’elle ne collabore plus jamais dans des crimes contre l’humanité car comme le disait Aimé Césaire “ Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde”. Pour conclure, que la mémoire des victimes du génocide des Tutsis soit à jamais gravée dans notre histoire française et rwandaise, et à partir d’aujourd’hui dans l’histoire rouennaise.
Souvenons-nous.
Murakoze – Je vous remercie