Compte-rendu de l’audience du 10 octobre 2025, Jour 18
L’audience du 10 octobre 2025 a repris avec l’audition en présentiel de Gustave Ngabo, consultant en informatique et fils de MUNYEMANA.
Il a souhaité revenir sur son enfance partagée entre le Rwanda et la France. Né au Rwanda en 1982, il a effectué son école primaire en France puisque ses parents travaillaient à Bordeaux. Avec sa famille, à l’exception de sa mère, il fera son retour à Kigali en 1989, puis Butare de 1990 à 1994. Il dit avoir pu échanger au sujet de l’histoire du Rwanda, mais aussi de la situation du conflit armé avec ses parents, mais aussi à l’école qu’il a fréquentée jusqu’en 1994. Âgé de 12 ans au moment du crash de l’avion du président Habyarimana, il dit avoir été marqué par l’insécurité qui régnait, la morte permanente qui pouvait le toucher lui, ou sa famille. Une situation d’incertitude, d’autant qu’il restait enfermé chez lui avec la radio allumée de temps en temps. Chez MUNYEMANA, il décrit la présence de sa nounou, Me. LEVANY. Il aurait compris très vite qu’elle était en danger lorsque son père aurait préféré envoyer Gustave NGABO plutôt que la nounou, qui ne sortait plus de chez eux, chercher de l’eau. “Un risque moindre” selon Gustave NGABO lorsque la Cour lui demande si cela ne risquait pas pour lui, en tant qu’enfant.
De temps en temps, certaines connaissances, entre 5 et 10 personnes de la province de sa mère, seraient venues chez MUNYEMANA. Gustave Ngabo a alors compris, par les témoignages, qu’il y avait des menaces et des tueries à l’extérieur. C’est à partir de ce moment-là, que Sosthène MUNYEMANA aurait décidé de faire des rondes nocturnes dans le quartier avec l’ensemble des habitants. Dans son souvenir, aucun milicien, gendarme, policier ou militaire ne serait entré chez lui. Il ne souvient pas non-plus avoir vu des barrages devant la statue de la vierge à Tumba et réfute avoir participé à quelconque ronde pour chasser les Tutsi avec son père (cf: témoignage de Marie-Josée MUKANGURANGA). Il revient aussi sur un évènement qui a chamboulé son quotidien de confinement : le séjour chez le parrain de son frère, Jean-Marie VIANNEY NKEZABERA, résidant à KIGEMBE. Cela le rapprochait géographiquement de sa grand-mère qui habitait à proximité. A la fin de ce séjour, au mois de juin 1994, il explique qu’il a dû repartir à Butare, moment où son père lui a demandé de faire ses bagages pour GOMA.
Sur ce trajet, non sans-heurts, il explique avec difficulté les nombreux interrogatoires qu’ils auraient subis aux barrages routiers. A partir du Congo, ils auraient pris l’avion jusqu’à Kinshasa, où ils sont restés 2 mois, avant de retrouver définitivement sa mère en France. L’Avocat général a cependant questionné le trajet emprunté par MUNYEMANA et sa famille puisqu’ils sont monté vers le Nord de Tumba tandis qu’ils étaient proches du Burundi avec un aéroport à proximité. Il s’estime avoir eu de la chance d’avoir eu MUNYEMANA comme père. Il le décrit comme exemplaire, remercie ses parents d’avoir fait de lui un homme intègre. Il souligne l’importance de la parole dans sa famille. Il n’a jamais vu son père comme un adhérent à un parti politique, mais davantage comme un travailleur acharné. Il assure l’innocence de son père et souligne par ailleurs le poids des suites judiciaires dont il est victime par effet domino.
La Cour remercie Gustave NGABO pour son témoignage et laisse la place à Fabrice Ishimwe, présent à la Cour d’Appel de Paris.
Fabrice Ishimwe a 29 ans, sportif professionnel, et il habite au Rwanda. Il explique avec des mots clairs qu’il n’était pas présent pendant le génocide et que tout ce qu’il a appris vient de son père, de sa grand-mère et des “on dit” dans le village puisque ses parents ont habité un temps dans la parcelle de Sosthène MUNYEMANA. Très stressé lors de son audition, il affirme ne rien savoir sur MUNYEMANA si ce n’est que son père lui aurait dit que “MUNYEMANA a fait le génocide” et de son influence dans le quartier du fait de son statut. Sa tante aurait su sa volonté de venir en France pour des raisons professionnelles, elle lui aurait donc fait faire un écrit en français. Elle lui aurait dit “tu dois témoigner 30 minutes et ensuite tu pourras être naturalisé”. La Défense a émis sa volonté de réécouter le témoignage de sa tante Francine et de les confronter. Fait qui a été refusé par la Cour du fait de la présence de la tante pendant toute l’audition. Les propos de la tante recueillis par Ishimwe sont inscrits dans le procès-verbal pour potentielle insubordination de témoins. La Cour remercie Fabrice Ishimwe pour son intervention et laisse la place à Sosthène MUNYEMANA.
Sosthène MUNYEMANA évoque le témoignage de ses enfants, qu’il aurait tenté de protéger à tout prix, et dont les accusations continuent de toucher leur famille. Il pointe le fait qu’il n’avait pas de projet politique, bien qu’on ait voulu le porter candidat à la présidentielle de l’université, mais qu’il serait seulement concentré sur l’enseignement. Il évoque aussi le fait qu’il s’était résigné à un potentiel retour au Rwanda dès 1996 suite à ses accusations, donc il a fait sa demande tardive pour l’asile français, mais qui a été rejetée.
Mattéo ANNE, Étudiant Bénévole

