Dans le cadre de la 28ème commémoration du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda , les élèves du lycée Diderot– Classe de Seconde, à l’invitation d’Ibuka France, ont participé à la cérémonie commémorative du 7 avril 2022 au jardin de la Mémoire, Paris 13ème, en présences de personnalités politiques et associatives.

Nous vous proposons leur texte de témoignage et soutien aux victimes  « Un bel avenir pour demain » en kinyarwanda : Ejo hazaza heza

Partie 1 (Aurélia Merle d’Aubigné, enseignante)

« Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit » écrivait Charles Péguy, dans Notre jeunesse, paru en 1910. J’ai découvert cette citation dans le dernier livre de Stéphane Audoin-Rouzeau, « Une initiation » où il explore lui-même la mise en place du génocide et interroge ses propres difficultés à comprendre ce qu’il étudie. Enseigner le génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994, transmettre à nos élèves ce qui en fait la si effroyable spécificité, se heurte à l’injonction de Péguy : comment leur faire comprendre ce que l’on voit, ce que l’on savait, que l’on sait et ce que le cerveau ne peut concevoir ? Comment leur faire découvrir cette impasse de l’entendement ?

Dans ce projet unique auquel nous a convié la Ligue de l’enseignement et Ibuka France, chemin que nous parcourons depuis septembre, nous avons essayé mes collègues et moi de faire voir aux élèves, ici présents, ce qu’il fallait pour comprendre ce génocide : la logique discriminatoire puis exterminatrice d’un Etat criminel et totalitaire, le rôle des voisins et des outils du quotidien qui se sont retournés contre les Tutsi, comme les écoles et les églises qui se sont aussi transformées en lieux de massacre, les sons d’une radio qui appelle au meurtre, des barrières qui deviennent synonymes de mise à mort. Nos élèves ont rencontré des paroles orphelines, celle de Jeanne Allaire qui leur a parlé de la disparition totale de sa famille, de sa maison et jusqu’à son album de photos de famille. Génocide par le vide, par la dévastation. Mais nos élèves ont aussi vu la force, celle de Valens et de Corneille, celle de vivre après avoir réussi à survivre. Ils ont vu comment des artistes tentent de se reconstruire par la création et des survivants par la parole transmise. Ils ont exploré le sens de l’empathie (« mpore » en kinyarwanda) en comprenant ce qui leur était transmis. Ils ont vu ces hommes et ces femmes debout, Anita dernièrement venue les encourager à se mobiliser une nouvelle fois pour vous accompagner en ce jour si important. Donc, oui, je crois pouvoir dire qu’ils ont vu ce qu’ils ont vu.

Partie 2 (Aya)

  • Je me souviens du Rwanda et sa terrible histoire.
  • Ce génocide qui restera gravé à jamais dans nos mémoires.
  • Ces beaux paysages transformés en terrible cauchemar.
  • Je me souviens du jour où pour la 1ère fois ma professeur d’histoire m’a raconté cette horreur vécue par les Tutsi.
  • Je me souviens de ces objets quotidiens devenus des armes qui se retournent contre toutes ces vies.
  • Je me souviens de ces amis, de ces voisins génocidaires auxquels encore hier on disait merci.
  • Je me souviens du témoignage en classe de Valens Kabarari, rescapé du génocide.
  • Je me souviens de toutes ses paroles qui m’ont touchée.
  • Je me souviens du moment où Valens s’est ouvert à nous.
  • Je me souviens de son sourire malgré les souffrances traversées.
  • Je me souviens de son hommage rendu à son père.
  • Je me souviens de l’image de son frère.
  • Je me souviens de sa conception si particulière de la vie, de la mort.
  • Je me souviens du jour où j’ai commencé à comprendre les raisons historiques du génocide des Tutsi.
  • Je me souviens du jour où j’ai tenté de comprendre toutes les souffrances qu’ils ont vécues.
  • Je me souviens du jour où j’ai ressenti de la peine pour les victimes.
  • Je me souviens du Rwanda et sa terrible histoire.
  • Ce génocide qui restera gravé à jamais dans nos mémoires.
  • Ces beaux paysages transformés en terrible cauchemar.

Partie 3 (Jonathan)

  • Je me souviens de ce jour où on m’a offert en classe ce livre intitulé Vivant, de Valens Kabarari.
  • Je me souviens de la première de couverture représentant une plume.
  • Je me souviens des pages qui défilent devant mes yeux.
  • Je me souviens de la profondeur des mots qui m’imprègnent entièrement.
  • Je me souviens d’une phrase qui disait « Mourir d’une balle était un luxe ».
  • Je me souviens de cette autre phrase disant : « Ma vengeance a été de vivre ».
  • Enfin je me souviens de ce jour où j’entre en salle 318, au loin je vois cet homme, cet homme qui l’auteur de l’ouvrage Vivant,
  • Je me souviens de mes émotions qui s’entremêlent à cet instant,
  • Je me souviens de la ronde que nous formions tous ensemble dans la classe,
  • Je me souviens de ses mots lourds, mais aussi de son sourire d’homme vivant.

Partie 4 (Myriam)

  • Nous sommes soulagés parce que vous avez échappé à la mort, vous l’avez esquivée.
  • Vous êtes des rescapés. Mais pas que. Vous êtes plein de vie. Vous nous offrez une leçon de vie.
  • Vous êtes dans une nouvelle histoire, celle que vous écrivez.
  • Résistance pour lutter, résistance pour survivre parce qu’il fallait se battre, résistance pour se défendre, résistance face aux vagues de haine.
  • Exister pour nous rencontrer, pour témoigner et transmettre votre parole.
  • Merci à vous, Valens et Anita, pour nous avoir accompagnés et tracé un chemin pour nous ».

Partie 5 (Rei)

Nous sommes ici à l’occasion de la 28ème commémoration du 7 avril qui marque le début du génocide contre les Tutsi au Rwanda.

Au début de l’année, très peu d’élèves avaient connaissance de ce génocide, mais grâce à Ibuka France, à la Ligue de l’enseignement, à nos professeurs, à nos recherches et à notre rencontre avec Valens et Anita, nous avons tous pu découvrir l’histoire de ce génocide et en étudier de nombreux aspects en profondeur.

Nous avons appris à travailler sur des sources fiables pour ne pas tomber dans le piège de la réécriture de l’histoire, à allumer notre esprit critique et à nous interroger.

Nous avons travaillé sur les lieux de mémoire au Rwanda et en France et sommes arrivés ici, devant cette plaque, comme il en existe des milliers à Paris, qui a pour fonction de trouver une adresse et de se repérer. C’est sans doute un début, un premier geste de reconnaissance, mais pour nous, il ne suffit pas : il n’est pas à la hauteur de la mémoire des 800 000 morts du génocide et de celle des rescapés.

Prolongeons-le ensemble par d’autres initiatives : une création artistique par exemple qui, à la manière de l’imigongo, puisse permette à chacun de se reconstruire par l’art, de décorer des murs contre la barbarie ou de porter sur son dos ces paroles qui nous viennent des collines. C’est aussi ça que veut dire « Ibuka » pour nous : « souviens-toi » et regarde. Suis ces traces qui te mènent de mémoire en mémoire. »

Leur représentation du 16 mai 2022 : Paroles du Rwanda

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