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Les 1er et 2 Mars 2022: Compte rendu des deux jours du procès de Natacha Polony proposé par Ibuka France.

Jour 1 : Mardi le 1er mars 2022: L’audience démarre à 14h09, la Présidente reprend le déroulé de l’instruction.

Ibuka et la Licra ont porté plainte contre Natacha Polony (NP) pour les propos tenus dans une émission de France Inter dans ses échanges avec Raphaël Glucksmann (RG) au motif qu’ils sont constitutifs de contestation de l’existence de crime contre l’humanité, en l’espèce le génocide perpétré contre les Tutsi, faits réprimés par la loi 1881 sur la liberté de la presse.  Ensuite, la Présidente a souhaité réécouter l’émission le Grand Face à Face du 18 mars 2018 avant d’interroger NP.  NP déclare qu’il lui est difficile de se retrouver devant un tribunal, c’est la 1ère fois pour elle qu’elle se retrouve sur le banc des accusés. Elle a pour habitude d’éviter la caricature, de rechercher la nuance. Elle sait ce qu’est le « génocide rwandais ». « , il se déroulait lorsqu’elle réalisait ses études. elle suivait donc l’actualité sur le sujet avec beaucoup d’intérêt. “je sais qu’il a eu lieu et qu’il a été atroce ».  Pour elle, le sujet de l’émission portait davantage sur la responsabilité de la France.  Elle avait face à elle un militant convaincu, RG, elle nous indique que c’est lui qui a insisté pour parler du Rwanda à la lumière des informations publiées par Le Monde faisant état du soutien de la France au gouvernement génocidaire dans le milieu des années 90. Elle ne voulait pas aborder ce thème car le sujet du Rwanda méritait un débat plus long, et pas un traitement en trois minutes. Raison pour laquelle elle appelle durant l’émission à l’ouverture des archives.  Elle indique que RG lui a sans cesse coupé la parole, qu’il a empêché un débat apaisé, et que c’est de son fait s’il y a une confusion dans ses propos alors même qu’elle cite Rony Brauman, dont la tribune vise clairement les exactions du FPR.

Selon elle, RG a une vision simple : il aurait voulu que la France soutienne le FPR en tant que libérateur, et les propos qu’elle rapporte viennent démontrer que la réalité est plus complexe. Selon elle toujours, le fait que le FPR ait commis des exactions avant, pendant et après le génocide permet de comprendre comment la France a pu être aveuglée et amenée à soutenir un régime qui devenait génocidaire. Elle dira par la suite que la France, une fois qu’elle comprend la nature génocidaire du gouvernement intérimaire, intervient dans un processus de paix sous mandat de l’ONU. Elle indique que c’est le témoignage vocal d’une femme, qui se présente comme rescapée du génocide et qui l’interpelle directement, qu’elle choisit de répondre dans l’émission du 25 mars 2018.  Elle précise que quand on écoute ses propos sans être pris par l’émotion, on comprend facilement que ces propos ne constituent en rien du négationnisme. En revanche, quand on est sous le coup de l’émotion, on ne peut le comprendre. Elle rappelle cependant que l’émotion ne doit pas empêcher le débat. Elle précise que c’est la première fois qu’elle est poursuivie et que contrairement à ce que d’autres journalistes lui ont dit, elle ne trouve pas normal de se retrouver devant un tribunal, que le métier de journaliste impose une responsabilité. Elle explique également que le négationnisme est une accusation à part, d’une particulière gravité. Que celle-ci lui est ressortie à chaque fois qu’elle prend position sur d’autres sujets. Elle reconnaît une faute, celle d’avoir été mauvaise dans son échange avec RG et de lui avoir laissé lui couper la parole ce qui l’a empêché d’exprimer correctement ses idées. Elle affirme n’avoir jamais souhaité nier le génocide. Le militantisme de RG a empêché un débat apaisé.  Et quand la Présidente du tribunal lui demande si elle n’est pas habituée à être interrompue dans ce type d’émission, elle répond par la négative, affirmant que le fruit de la réussite de l’émission est la possibilité d’avoir un débat apaisé. Elle rappelle une nouvelle fois que FG était particulièrement impliqué et qu’elle ne s’attendait pas à ce que ces propos puissent être interprétés de cette manière.

Question de Rachel Lindon (RL) qui lui demande de confirmer que le nom du FPR n’est cité à aucun moment dans l’émission. NP répond qu’elle parle du régime de PK, de la dérive du régime mais elle est coupée par RG avant de pouvoir préciser qu’elle vise le régime rwandais. RL lui demande ensuite s’il est approprié de parler d’exactions des 2 côtés, si cela est approprié pour parler de génocide.NP répond qu’elle a le sens des mots et qu’elle ne peut parler d’exaction pour évoquer le génocide, dont elle ne nie pas l’existence. Elle a choisi le texte de Brauman précisément parce qu’il distingue bien le génocide des exactions.

Elle précise qu’elle a bien conscience qu’il existe différentes formes de négationnisme, mais elle affirme que d’après le ton qu’elle emploie, la nuance de ses propos, on comprend parfaitement sa position et le fait qu’elle reconnaît l’existence du génocide.  RL lui rappelle que l’incrimination de négationnisme comprend d’autres mots tels que la banalisation.

Elle répond qu’elle connaît les différentes manières de nier un génocide et qu’elle ne le fait pas. Que cela s’entend car elle utilise les mots « hélas », « situation effarante » et qu’elle s’exprime sur un ton de prudence. Que cela reflète son intention de ne pas minimiser le crime. RL lui demande si elle est d’accord avec certains chercheurs qui considèrent que les victimes et les bourreaux sont dos à dos avec la barbarie.

Elle répond qu’elle faisait un débat avec RG qui est un militant qui considère le FPR comme mouvement de libération contre un mouvement génocidaire. Elle se permet même d’ajouter que le FPR n’est pas le mouvement libérateur innocent qu’on prétend, et qu’on a besoin de comprendre cela pour expliquer que la France s’est fourvoyée. Elle insiste par la suite en disant que ce que dit RG et le Monde a ensuite été contredit par le rapport Duclert.

Le procureur lui demande tout de même, par curiosité, si elle a lu le livre de Guillaume Ancel cité par RG. Elle répond par la négative. Les avocats de la défense demandent à NP si l’émission est diffusée en direct ? Elle répond qu’exceptionnellement l’émission était en direct. L’un des avocats de la défense fait une observation. Il précise que NP a dit deux fois qu’il y avait eu un génocide. Il rappelle aussi que les mots «bourreaux ou victimes» ne font pas partie de la plainte parce que RG les a employés en premier.

NP est ensuite interrogée par les avocats de la défense qui lui offrent une tribune pour revenir sur le fait que le régime de Kigali est devenu dictatorial, et que ce n’est pas remettre en cause le génocide que de dire cela.  Le syndrome de Fachoda aurait selon elle justifié 1 position pro gouvernementale de la France face à l’incursion d’une force soutenue par les anglo-saxons.

NP dit que PK s’est appuyé sur l’horreur du génocide pour installer son régime. Un régime dictatorial qui même accusé de terrorisme « Quelqu’un qui a sauvé des Tutsi ». Elle admet que c’est un fait historique et acquis que ce sont les soldats du FPR qui ont mis fin au génocide. Après une courte pause, l’audience reprend avec l’audition des témoins.

Patrick Saint-Exupéry (PSE) intervient en premier. 

Il se présente rapidement et rappelle qu’il s’est rendu au Rwanda à plusieurs reprises, y compris avant, pendant et après le génocide. Il revient sur les propos de NP qu’il qualifie de choquants, de « propos de comptoirs ». Il considère qu’on n’a pas le droit d’avoir des propos aussi légers sur des sujets aussi graves. c’est refusé la nuance. Quand on a une parole aussi importante, on ne peut pas parler ainsi.

Il considère que les propos de NP ne constituent pas du négationnisme, mais de la confusion.  Il ajoute que ce confusionnisme là permet l’émergence du négationnisme. De plus, il précise que ces propos sont choquants vis-à-vis des victimes. Le genre de propos qu’on ne peut tenir que quand on n’a pas connu ni les victimes, ni les bourreaux.

PSE parle du lendemain d’un génocide quand les seuls qui peuvent parler sont ceux qui ont commis le génocide car les rescapés ne le peuvent pas. Leurs récits sont parcelaires cars par définition ils étaient cachés. Ils sont aussi inaudibles. Il a fallu des années.

RL lui demande ce qui a justifié l’écriture de l’ouvrage « la traversée ». Il répond que c’est l’émergence de 2 histoires disjointes qu’on a opposé, entre l’histoire du génocide des Tutsi au Rwanda, et celle des Hutu au Congo. Cette théorie qui prenait de l’ampleur l’a poussé à se rendre au Congo pour vérifier. Il précise rapidement qu’il n’a trouvé aucune trace d’un prétendu génocide au Congo. Des exactions oui, mais pas de génocide. 1 génocide ce n’est pas 1 somme de massacres.

Selon lui, à partir du moment où il était impossible de nier le génocide des Tutsi, certains ont tenté « d’équilibrer la balance » en ouvrant la possibilité qu’il y en ait eu d’autres, contre les Hutu ou contre les Congolais, indifféremment.

PSE est ensuite interrogé par Jean-Yves Dupeux qui va tenter de l’amener à évoquer les massacres qu’il a pu documenter au Congo, en insistant pour que PSE précise si ces massacres ont été commis par le FPR.

PSE répond partiellement à ses questions en revenant davantage sur le fait que les camps de réfugiés du Congo constituaient des laboratoires de la haine, car ils étaient peuplés de génocidaires en fuite, armés, qui souhaitaient uniquement retourner au Rwanda « finir le travail ».

JYD lui demande ce qu’il pense des différents rapports faisant état d’exactions du FPR avant, pendant et après le génocide.  PSE lui répond brièvement que dans ces rapports, notamment le rapport mapping, certains éléments sont vrais, d’autres sont faux. Il ajoute que son avis figure dans son livre.  Quand JYD lui demande si les propos de NP peuvent laisser entendre qu’il y a eu 2 génocides, il répond clairement que ce n’est pas le cas. Il insiste toutefois sur le confusionnisme.  Florence Bourg (FB), 2e avocat de la défense, lui demande s’il ne nie pas l’existence de crime de masse commis par le FPR.  PSE s’emporte et indique que les crimes de masse ne correspondent à aucune réalité scientifique.  Elle finit en lui demandant si faire état de crimes du FPR revenait à nier le génocide, ce à quoi PSE ne répond pas.

Audition de Scholastique Mukasonga (SM) 

Récit de sa vie et de son témoignage. Coupée par la cour qui souhaite écourter le récit sur la période entre 1960 et 1994. SM livre un argumentaire sur la mémoire et sur le caractère préparatoire du génocide. Elle évoque l’histoire de sa famille. De sa déportation au Bugesera dans les années 60 et ses souvenirs de jeunesse dans cet environnement hostile. Elle parle du fait qu’elle se considère comme la mémoire de Nyamata et de tous les Tutsi qui sont morts là-bas. L’écriture pour elle sert à réhabiliter leur honneur et effacer les insultes qu’ils subissaient. Elle n’a pas supporté le fait d’entendre qu’il s’agissait de salauds. Elle a terminé en montrant à la cour et aux avocats une photo de sa famille nombreuse lors d’un mariage et en précisant qu’il n’y avait qu’un seul survivant.

Pas de question de la défense ni du procureur

Audition de Stéphane Audouin-Rouzeau (SAR) : Il revient sur le concept de négationnisme et ses composantes, qui sont consubstantiels au génocide. Il n’est plus possible aujourd’hui de nier l’existence du génocide des tutsi, les négationnistes recherchent donc à minimiser les faits. La théorie du double génocide en est l’expression. Il explique que le génocide des tutsi est particulier car le groupe cible a fini par gagner la guerre et prendre le pouvoir. Il explique qu’ils ont donc dû pour gagner la guerre commettre des exactions mais qui peuvent être qualifiés de violence politique pas d’extermination ethnique.

Au début on nie les faits; Plus le temps passe, plus on va minimiser les faits; il prend pour exemple la théorie  de Judi Rever; Marianne a une ligne particulière sur le génocide des Tutsi

RL demande à SAR de revenir sur la théorie du miroir. Théorie du miroir : Accuser les autres de préparer ton massacre pour rendre plus facile le passage à l’acte. Induire une légitime défense en quelque sorte en les éliminant le premier.

Il parle du syndrome de la victime parfaite (celle qui a disparu). Ce n’est pas possible au Rwanda et facilite les propos négationnistes car pour une fois le groupe cible a fini par prendre le pouvoir. La victoire militaire prive les Tutsi de ce statut…génocide ne peut exister sans le négationnisme. Même question que PSE : faire état de crimes du FPR revient-il à nier le génocide?

SAR : la violence est différente entre violence politique et violence ethnique. En tant qu’historien, il ne voit aucune interdiction à parler de certains faits, il envisage les choses dans leur globalité. A chaque fois, la mise en accusation du FPR s’accompagne d’une minimisation du génocide. Il revient ensuite sur la simplification. L’utilisation du terme salaud fait tomber dans une simplification, si ce n’est inutile voire dangereuse. SAR considère qu’il y a une ambiguïté profonde dans les propos de NP. Elle laisse penser qu’il n’y a pas de distinction entre bourreaux et victimes. or, un génocide c’est essentiellement cela.

Audition de Rony Brauman (RB)

 Les propos de NP ne l’ont pas choqué. Il ne comprend pas ce procès.Il constate qu’il y a une certaine complaisance à l’égard de Kagamé. Nommément il ne vise personne. PK bénéficie de propos complaisants alors que pour ce qui concerne les autres ce n’est pas le cas.

Attaque contre PSE. Les propos ne constituent en aucun cas une négation ou une minimisation du génocide.

La Présidente lui demande ensuite si le terme salaud a été utilisé par lui-même. il répond que oralement cela était tout à fait possible mais qu’il n’a pas le souvenir de l’avoir écrit. L’avocat de la défense lui rappelle la tribune qu’il a publiée dans Marianne. Il lui relit et lui demander si NP a déformé sa pensée lorsqu’elle l’a cité dans l’émission. Il répond que non ses propos n’ont pas été déformés qu’ils sont justes plus condensés.

Richard Gisagara (RG): revient sur la tribune de RB dans le cadre de l’instruction Bruguière. Il lui demande s’il n’a pas peur d’induire la cour en erreur comme il l’a fait concernant l’attentat du 6 avril.

RB: PSE est un faussaire et son livre La Traversée pourrait constituer une négation de crime contre l’humanité. PSE nie la mémoire des victimes du FPR. Très virulent à l’encontre de PSE.

Audition d’Espérance Brossard (EB)

FPR a mis fin au génocide, sauvant énormément de personnes y compris sa propre sœur. Elle revient sur comment elle a vécu les propos de NP. Elle explique que ceux-ci étaient douloureux parce qu’ils ont abîmé l’image des victimes et montré du mépris envers les rescapés. Revient sur le fait que les mots avaient tué, notamment sur la RTLM. La thèse du FPR qui tue a été employée dès les années 90, justement par les planificateurs du génocidaire pour mobiliser les assassins. Elle revient sur l’évolution de concept de négationnisme : tout d’abord la négation pure et simple (pas de génocide), ensuite la théorie du double génocide, et enfin la minimisation avec mise en équivalence avec les exactions du FPR. NP est analyste politique, elle aurait dû savoir qu’elle ne pouvait faire ce genre de raccourcis. Un avocat lui demande quand est-ce qu’elle a décidé de créer Ibuka France. EB répond « Depuis que j’ai trouvé ma mère tuée par ses anciens élèves ». Elle n’imaginait pas qu’elle devrait se battre face à de tels propos plus de 20 ans après la commission du génocide.

Audition de Serge Farnel

SF commence par se présenter en expliquant comment il est venu à effectuer des recherches sur le sujet. Il précise qu’il s’est beaucoup intéressé à la question de la responsabilité de la France dans le génocide et a donc suivi l’évolution des relations entre cette dernière et le Rwanda. Il a, de plus, recueilli les témoignages de nombreuses victimes. Il précise aussi ne rien avoir contre NP et lui avoir d’abord cherché des « circonstances atténuantes» quand il a eu connaissance de ses propos. Il a pris plus de hauteur : il a repris toutes les tribunes de Marianne pour montrer la philosophie du journal pour ce qui concerne le génocide : Péan, Onana, Rever.

NP ne nie pas le génocide mais elle en nie les mécanismes, tout comme Védrine, Villepin et Rever. La présidente l’interrompt pour lui rappeler que ce n’est pas le procès de Marianne. Il a donc dû raccourcir sa déclaration spontanée à la demande de la cour.  Il a quand même tenu à aller au bout de sa démonstration en insistant qu’on ne peut pas analyser les propos de France Inter sans prendre connaissance des articles de Marianne et de sa ligne éditoriale exemples à l’appui depuis que NP en a pris la direction. Pour lui il s’agit d’une stratégie bien construite et tiens à ce que le tribunal en tienne compte,

Les avocats de la défense : ce n’est pas le procès de Marianne mais celui de NP.

SF : il a refait un lien avec la théorie du témoin clé de Bruguière (Abdul Ruzibiza) et le fait qu’ils lui ont donné une tribune. Ce témoin s’était par la suite rétracté, Marianne a attendu le lendemain de son décès pour reprendre ses propos.

Pas de question de la Défense.

Jour 2 : Mercredi le 2 mars 2022: Audience démarre par l’audition de Carla Del Ponte

L’ancienne Procureur des Tribunaux Pénaux Internationaux pour l’Ex-Yougoslavie et le Rwanda a été citée pour témoigner par la défense de Mme Polony. Cette dernière n’a pas souhaité faire de déclaration spontanée, le Tribunal et les différents conseils l’ont donc directement interrogée. La Présidente a débuté en lui demandant de se présenter et de développer plus précisément le rôle qu’elle a tenu au sein des tribunaux internationaux. C’est maître Dupeux, l’un des avocats de la défense qui a continué l’interrogatoire du témoin. Ce dernier lui a ainsi demandé si elle avait souvenir des termes de la résolution 955 du 8 novembre 1994, portant création du TPIR et disposant de sa compétence. Madame Del Ponte a répondu qu’elle s’en rappelait effectivement dans les grandes lignes et que ce dernier avait pour mission d’enquêter et de porter en justice les hauts responsables de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime de génocide commis au Rwanda en 1994. Afin de préciser cette réponse, maître Dupeux a réalisé une lecture de ladite résolution. Cette question de la défense servait à démontrer que le mandat du TPIR n’était pas limité au jugement des génocidaires rwandais mais bien de « toutes personnes présumées responsables (…) d’autres violations du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda ».

Sur ce fondement, maître Dupeux demande à Madame Del Ponte si, dans le cadre de ses fonctions de procureur, elle a envisagé de faire juger des individus pour d’autres actes constitutifs de violation du droit international humanitaire. Cette dernière lui répond qu’au moment où elle a exercé ces fonctions, l’acte principal jugé était le génocide. Elle développe en précisant tout de même que lors des investigations, plusieurs preuves ont été recueillies sur la commission d’autres crimes ne faisant pas partie de la thèse principale du génocide. Elle évoque notamment l’existence de 13 épisodes où des Tutsis se seraient portés responsables de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Suite à ces éléments, elle a alors procédé à l’ouverture d’une enquête préliminaire pour identifier les auteurs de ces crimes. A cette fin, elle affirme avoir eu des échanges avec Paul Kagamé, alors déjà Président du Rwanda. Elle déclare que ces dites enquêtes ont été bloquées par la suite, avec l’utilisation d’un chantage. Ainsi, pour que les investigations puissent être poursuivies tout en continuant à entretenir des relations de coopération avec le gouvernement rwandais sur les poursuites pour génocide, il était nécessaire que ces dernières soient menées dans le secret. Maître Dupeux continue ses questions en lui demandant si elle confirme, comme elle l’a déclaré dans son livre La Traque, les criminels de guerre et moi, qu’elle a été empêchée d’enquêter sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre commis par les Tutsi.

Elle déclare que oui car le Conseil de Sécurité des Nations Unies n’a pas renouvelé son mandat et que par conséquent, ce dossier a été oublié. L’avocat de la défense lui demande de bien confirmer qu’elle considère l’existence d’une relation de cause à effet entre la tentative d’enquête et le refus de renouvellement de son mandat, ce qu’elle affirme effectivement. Il lui demande ensuite de quels types de crimes elle avait eu connaissance à l’époque. Elle déclare que c’était des cas de témoignages de Hutus tués par des Tutsis mais qu’elle ne se rappelle plus des détails. Maître Dupeux lui demande ensuite si elle a eu connaissance d’un document intitulé « Top Secret » ayant été versé au TPIR et concluant à des actes de violations très graves du droit international humanitaire. Carla Del Ponte confirme en avoir eu connaissance. Il lui demande ensuite de s’exprimer sur le fait que malgré l’existence de ce rapport, aucune poursuite n’ait été engagée. Elle confirme l’absence de suite juridique en le justifiant par le fait que ce rapport n’était pas suffisant pour mettre en accusation un auteur.

Pour ce faire, il aurait fallu poursuivre l’enquête, ce qui s’est avéré impossible. L’avocat de la défense change ensuite de registre pour se recentrer sur les propos poursuivis dans ce procès. Il lui demande ainsi de s’exprimer sur les propos de Natacha Polony. Madame Del Ponte rétorque qu’elle est très étonnée que l’on se retrouve aujourd’hui à débattre sur ces derniers parce qu’il n’y a effectivement pas eu que le génocide des Tutsis, qui reste le plus grave des crimes, mais également beaucoup de personnes tuées dans les crimes commis par Paul Kagamé. Elle poursuit en disant qu’elle ne peut que confirmer les propos de Madame Polony déclarant qu’il y avait des « mauvais partout » et qu’il « n’y avait pas de bons et de mauvais ». Enfin, Maître Dupeux termine ses questions en lui demandant si, le fait d’invoquer des exactions commises par les Tutsi et/ou le Front Patriotique Rwandais, était une façon de banaliser le « génocide qui a eu lieu au Rwanda ». Cette dernière répond que non, absolument pas car si la gravité du génocide des Tutsi a été rappelé dans tous les procès, il y a également des crimes commis par l’autre partie. C’est ensuite l’avocate de l’association Ibuka, maître Lindon qui est invitée à poser ses questions. Elle commence par dire à Madame Carla Del Ponte que c’est un honneur de pouvoir la rencontrer aujourd’hui. L’avocate rappelle ensuite que les crimes du FPR ne sont pas le cœur du débat du jour. Elle déclare ensuite que Madame Del Ponte a fait part à plusieurs reprises de son insatisfaction face à la justice pénale internationale. En effet, tant au TPIR qu’au TPIY, elle a été empêchée d’enquêter sur certains sujets (à propos du Kosovo au TPIY). Elle lui demande ainsi si finalement, elle n’a pas plutôt été déçue de façon générale de cette justice pénale internationale qui a été rêvée parfaite mais ne l’a jamais été. L’ancienne Procureur confirme cette position en déclarant qu’en réalité, les tribunaux internationaux ne fonctionnent que s’il y a une volonté de coopération de la part des Etats. Ce n’est donc pas que dans le cas du Rwanda que des enquêtes n’ont pas pu être menées à terme. Cependant, elle précise tout de même qu’elle est très fière du travail qu’elle et son équipe ont réalisé, notamment au TPIR. Maître Lindon lui demande ensuite, si tout génocide ne s’accompagne pas en réalité de son négationnisme. Madame Del Ponte lui répond qu’elle ne pense pas qu’ici l’on parle de négationnisme car le génocide n’est pas nié. L’avocate lui rappelle ensuite le contenu de la loi française de 2017 venant élargir le délit de négationnisme et reconnaissant coupable de ce dernier : « ceux qui ont nié, minoré ou banalisé » le génocide. La témoin déclare ne pas avoir connaissance de la lettre de la loi française. C’est enfin au tour de maître Gisagara de poser ses questions à Carla Del Ponte. Il commence tout d’abord par lui demander si elle connaît le rapport Mapping dont il a été question à plusieurs reprises lors de l’audience de la veille. Cette dernière lui répond par la négative.

Ensuite, l’avocat de l’association Communauté Rwandaise de France revient sur la déclaration de Madame Del Ponte qui considère l’existence d’un lien entre la fin de son mandat et le fait qu’elle ait souhaité enquêter sur le FPR. Maître Gisagara déclare avoir une autre version et invite la témoin à faire part de ses commentaires sur celle-ci. Il se réfère au livre d’un ancien observateur auprès du TPIR, alors journaliste à RFI et devenu aujourd’hui conseiller au Nations- Unies. Dans cet ouvrage, son auteur développe une critique de Carla Del Ponte, tant de l’efficacité du travail qu’elle et son équipe ont mené que sur son comportement personnel qu’il qualifie par ailleurs de « raciste ». L’ancienne procureur des tribunaux internationaux déclare qu’elle n’est pas là pour se défendre et que si elle a effectivement fait l’objet d’une dénonciation pour racisme auprès du Secrétaire Général des Nations-Unies, aucune enquête n’a été menée ensuite, prouvant donc l’absurdité de cette thèse.

Maître Gisagara poursuit ensuite en rappelant que, dans son livre, Madame Del Ponte fait référence au juge Jean-Louis Bruguière et qu’elle exprime tout le bien qu’elle pense de lui. Il lui rappelle que la Cour de Cassation a déclaré que ce dernier a fait fausse route dans son instruction concernant l’attentat du 6 avril 1994 et demande à la témoin si elle a des commentaires à faire sur ce point. Elle répond n’avoir aucune remarque à prononcer. L’avocat poursuit en lui demandant si elle ne pense pas que ceux qui ont induit en erreur le juge d’instruction aurait pu, elle aussi, l’induire en erreur dans ses enquêtes. Elle rétorque avoir fait des investigations sur le terrain, dont les éléments prouvaient les exactions du FPR. Ce dernier termine son audition en rappelant que les dispositions de la loi française de 2017 sont calquées sur le négationnisme de la Shoah et demande ainsi à la témoin si elle pense qu’il aurait été juste que les responsables des bombardements de Dresde, des britanniques, soient jugés à Nuremberg, aux côtés des nazis. Madame Del Ponte répond que la question n’a rien à voir avec le sujet et demande à la Présidente de la XVIIème chambre de ne pas y répondre, ce à quoi cette dernière a donné suite.

La deuxième partie de cette seconde journée a été consacrée à l’interrogatoire de monsieur Johan Swinnen, ancien ambassadeur du Royaume de Belgique à Kigali de 1990 à 1994. Il débute sa déclaration spontanée en disant qu’il se situe comme quelqu’un qui « a peut-être droit de parole et droit de question » sur ce sujet en ce qu’il a été témoin des préludes du génocide des Tutsi puisqu’il a été évacué du Rwanda le 12 avril 1994. Lors de ses fonctions de diplomate, il a été directement engagé dans le processus de paix et de réforme du pays. Maintenant, il se déclare engagé dans deux combats : la lutte contre le négationnisme et le divisionnisme qui doit être menée de façon objective et honnête, incluant donc la lutte contre la banalisation des accusations de négationnisme et, le combat pour la recherche de la vérité. Dans son discours, il prône l’honnêteté morale et intellectuelle. Il affirme que le génocide des Tutsi n’a pas révélé tous ses secrets et que nous ne pourrons dévoiler ces derniers si nous sommes poursuivis pour avoir dit la vérité. Il constate à cette fin que l’histoire des génocides est toujours mal contée parce qu’elle est présentée de façon trop partiale en rangeant les victimes dans un camp ethnique et les coupables dans l’autre. La Présidente du Tribunal s’adresse à lui afin de l’amener à se recentrer sur les propos de Natacha Polony en lui demandant s’il souhaite apporter des éclaircissement au regard de ses considérations générales. Monsieur Swinnen déclare que les propos ici poursuivis soulignent l’importance de l’état de droit mais que les plaignants, Ibuka, la CRF et le MRAP, se trompent d’adversaire parce que les propos litigieux ne questionnent pas la réalité du génocide, ce qui amène finalement une dévaluation du concept de négationnisme et donc de son combat. Il revient ensuite sur le fait que la Belgique ait été accusée d’avoir été pro-FPR. Il soutient qu’à juste titre, le royaume a toujours été équilibré dans ses prises de position entre le FPR et le FAR. L’ancien diplomate continue son propos en déclarant que l’on entend de plus en plus que le FPR, et donc les Tutsi anciennement réfugiés en Ouganda, sont responsables du déplacement de plus d’un million de rwandais et de la spoliation des biens de ces personnes déplacées. Il rappelle une anecdote de juillet 1990 où le FPR serait venu négocier la paix et la coopération avec des armes, refusant ainsi la diplomatie et usant de la violence.

La Présidente de la XVIIème chambre interrompt Monsieur Swinnen en lui proposant de passer aux questions, arguant que ces dernières lui permettront de préciser sa pensée. C’est donc maître Bourg, avocate de Natacha Polony qui démarre l’audition du témoin. Elle demande ainsi au témoin quelles ont été les répercussions des attaques armées et du procédé agressif du FPR sur les négociations. Monsieur Swinnen s’égare dans sa réponse en développant la fait que ses fonctions d’ambassadeur l’ont amené, à l’époque, à accompagner un processus de réconciliation où des concessions devaient être faites. Lors de cette démonstration, il déclare tout de même que « les Hutus avaient peur d’un retour d’une domination de la minorité Tutsi parce qu’ils avaient été déplacés et spoliés par le FPR ». C’est en ce sens que l’ancien président Juvénal Habyarimana et ses soutiens rappelaient que c’est la recherche du compromis et le fait de faire des concessions qui amène ces déplacements et spoliations. Monsieur Swinnen affirme ensuite que l’on sait déjà en 1994, après l’attentat tuant le président Habyarimina, que ce dernier a été organisé par « des militaires Tutsi ». Après ces déclarations, il essaye tant bien que mal de se recentrer sur la question de l’avocate qui l’a fait citer. Il poursuit donc en disant que le FPR a organisé le déplacement d’environ un Rwandais sur sept vers des camps pour ensuite les massacrer en leur faisant croire qu’ils voulaient discuter avec eux de la paix. Il fait référence à cette fin aux massacres du stade de Byumba, en avril 1994. Il soulève ici l’existence d’une contradiction en déclarant que les progrès dans le processus de paix étaient menés à mal par les attaques de la part du FPR. Monsieur Swinnen affirme qu’il y a eu « de l’injustice contre de l’injustice » et que l’on ne doit donc pas se tromper de combat. Il déplore que, plus de 20 ans après le génocide, un professeur qualifie l’ouvrage de Judi Rever de « livre de buffet de gare », terminaison bien trop simpliste pour décrire l’ouvrage d’une journaliste d’investigation qui, après plusieurs années d’enquêtes, dénonce les crimes du FPR. Il précise tout de même qu’il n’est pas d’accord avec l’ensemble de la thèse soutenue par l’autrice.

L’avocate de la défense poursuit ensuite ses questions en l’interrogeant à propos d’un article qu’il a rédigé, et dans lequel il ne cache pas son choc, concernant le chanteur Mihigo Kizito et en lui demandant ainsi ce que cela lui a inspiré à l’égard du régime actuel de Paul Kagamé. Johan Swinnen (JS) revient sur l’affaire Kizito Mihigo, chanteur de gospel rescapé du génocide des Tutsi, arrêté puis remis en liberté en 2018 en vertu d’une grâce présidentielle. Il est ensuite de nouveau arrêté alors qu’il tentait de rejoindre le Burundi. Quelques jours plus tard, le 17 février 2020, il est retrouvé mort dans sa cellule. Monsieur Swinnen répond que, alors qu’il était encore au Rwanda, régulièrement, des Tutsi faisaient part de leur inquiétude quant au fait que ce soient eux, les civils, qui soient amenés à payer le prix du manque de modération du FPR. Il affirme ainsi clairement que c’est le FPR qui aurait amené la radicalisation du mouvement Hutu Power. L’ancien diplomate déclare ensuite que Kizito chantait le respect de la mémoire des victimes, autant du génocide que des autres exactions commises par les différentes parties, et que, la lettre de la chanson permet à tous de bien comprendre qu’il parle ainsi des crimes du FPR ou des Hutus extrémistes à l’encontre, notamment, des Hutus modérés. La Présidente du Tribunal demande au témoin de se recentrer sur la question de la propagande du régime de Paul Kagamé. Maître Bourg aide Monsieur Swinnen en précisant sa question. Elle lui demande ainsi de préciser ce qui est arrivé à Kizito et de conclure sur ce que cela nous apprenait sur l’état de la liberté d’expression au Rwanda.

JS précise qu’il ne dit pas que Kizito a été tué. Il regrette qu’il ait été arrêté pour avoir chanté une chanson qui prêchait la réconciliation et honorait la mémoire de tous les Rwandais, pas uniquement les victimes du génocide perpétré contre les Tutsi. Selon JS, il n’y a pas eu d’enquête sérieuse sur cet évènement. A ce jour au Rwanda, il n’y a pas de liberté d’expression, de liberté d’association ou de mémoire cultivée pour l’ensemble des Rwandais.  JS note tout de même, en reprenant ses notes, que le gouvernement rwandais a lancé en parallèle une campagne intitulée « Ndi Umunyarwanda » (je suis Rwandais) destinée à effacer la distinction entre Tutsi et Hutu mais il laisse entendre que cette campagne est sincère.

JS regrette qu’il n’y ait pas ce niveau d’unité dans le pays. Il est ensuite interrompu par la cour au moment où il souhaite aborder de nouveau le procès Rusesabagina.

Interrogé par Me Lagarde (MRAP) sur l’existence de massacres commis en 1962 au moment de l’indépendance du Rwanda et sur la responsabilité de l’Etat Belge, JS précise qu’il répond en qualité de diplomate, et rappelle que la Belgique a bien été confrontée à des manifestations d’indépendance et de démocratie de la part de la population ethniquement majoritaire face à la minorité Tutsi, qui détenait tout le pouvoir. JS indique que la Belgique n’a été impliquée dans aucun massacre, des 2 côtés, mais il reconnaît que le colonel Logiest a sympathisé avec le mouvement d’émancipation Hutu, avec l’accord tacite du gouvernement belge. Le gouvernement belge a laissé le mouvement prendre le pouvoir et organiser des élections.

S’agissant du sort des Tutsi rescapés des massacres, JS insiste sur le fait que la Belgique n’a pas de « responsabilité lourde et accablante » dans le sort des Tutsi réfugiés dans les pays voisins, et il ajoute que la Belgique a été vigilante quant au respect des droits humains des réfugiés.

Me Lagarde demande ensuite à JS s’il a assisté, dans les années précédant le génocide, à l’émergence des milices Interahamwe, et si oui s’il a rapporté ces éléments à son gouvernement. JS indique qu’il a énormément écrit sur le sujet, allant jusqu’à ne plus en dormir, afin de documenter ce qu’il se passait. Il se justifie en faisant référence à son ouvrage de 600 pages sur le sujet. JS rappelle qu’il a constaté des améliorations notamment le multipartisme. Il reconnaît également qu’il y a eu des massacres, des assassinats politiques, des attaques à la grenade dans les écoles dont on ne sait toujours pas aujourd’hui qui a fait ça. Il avoue avoir employé une fois le terme de génocide. Il a également parlé de risque de déstabilisation majeur. Il raconte ensuite le jour où, à l’occasion d’une rencontre avec le roi Baudoin accompagné de son 1er ministre, le Président rwandais aura demandé à ses interlocuteurs s’ils ne feraient pas mieux de rappeler leur ambassadeur. La veille de l’attentat, 1 colonel serait venu le trouver et lui aurait suggérer de rester chez lui en lui expliquant qu’il figurait sur la liste des Hutu extrémistes, et qu’il était même « haut dans cette liste ».

Dans l’ensemble, selon JS, la Belgique était très préoccupée par ce qui se passait au Rwanda. Le Procureur et les avocats de la défense ne souhaitent pas questionner davantage le témoin, qui est remercié. Le Président d’Ibuka France est ensuite appelé à la barre.

La Présidente du tribunal rappelle qu’Ibuka est à l’origine de la plainte et souhaite entendre le représentant de l’association sur les raisons de la plainte et ce qui en est attendu. Etienne Nsanzimana (EN) précise tout d’abord qu’il n’évoque pas les questions d’ordre juridique posées par ce procès qu’il laisse à son avocat mais qu’il intervient à la fois en tant que président d’une association qui défend les rescapés du génocide des Tutsi et en tant que rescapé. Il dit qu’une question taraude les rescapés « Quand est-ce que tout ça va s’arrêter ? »

EN rebondit sur les propos de NP en précisant que la plainte d’Ibuka a été portée par la raison. « Il ne faudrait pas classer notre démarche au registre de l’émotion uniquement, » Il rappelle que les mots sont extrêmement importants et qu’ils sont piégés. Les mots employés dans les cours d’école dans le Rwanda de sa jeunesse, les mots de la RTLM avant et pendant le génocide, les mots chantés par les miliciens, et enfin les mots utilisés après le génocide pour le minimiser. Les survivants ont développé une sensibilité particulière pour les détecter et savoir ce qu’ils véhiculent. Dans le verbatim des propos incriminés une phrase l’interpelle particulièrement : « Il est nécessaire d’essayer de regarder en face ce qui s’est passé çà ce moment là ». Il les invite alors au cœur de ce qui s’est passé réellement. C’est à dire : Un génocide, mais pas dans sa définition juridique mais le néant et l’obscurité totale qu’il est…

EN est rapidement interpellé par la Présidente du Tribunal qui lui indique que son intervention constitue une prise de parole, qu’à ce titre elle doit se faire sans notes. S’il le souhaite ses notes peuvent être versées au dossier.

EN continue en disant que dans une période où les formats obligent les intervenants à être spécialiste de tout on tombe malheureusement dans ce cas de figure. La prime est donnée à celui ou celle qui donnera une réponse immédiate aux sujets les plus divers, quitte à tordre le lendemain par des effets de rhétorique ce qui était assené comme vérité hier.

EN dit que cela ne va jamais s’arrêter tant qu’on ne court aucun risque lorsqu’on concède que le génocide des Tutsi a existé pour mieux le vider de sa substance et le banaliser. Le génocide a été reconnu ; on ne saurait dont nier sa réalité ; d’autre part des pratiques signifiantes, des pratiques de langage s’attellent à déconstruire le sens et la singularité de l’événement. La réponse viendra de la décision qui sera prise à l’issue du procès, EN dit que le contraire de l’oubli, ce n’est pas seulement la mémoire, c’est aussi la justice.

Aucune question n’est posée par le procureur, les avocats des parties civiles ou de la défense.

NP est ensuite appelée de nouveau à la barre pour faire état de sa personnalité. Il est fait état de sa situation personnelle, professionnelle et financière. Aucune infraction n’apparaît sur son casier judiciaire. Aucune question n’est posée par le procureur, les avocats des parties civiles ou de la défense.

Plaidoiries

Me Lagarde

Me Lagarde démarre les plaidoiries pour le MRAP en rappelant que le juge de la vérité judiciaire n’est pas le juge de la vérité historique. Et pourtant, le juge judiciaire a déjà été amené à se prononcer sur la vérité historique, notamment dans le procès Papon. Il rappelle également que, s’agissant des évènements du 17 octobre 1961, dès qu’un journal faisait état de plus de 3 morts, il était systématiquement attaqué en justice pour diffamation.

Il rappelle que maintenant, il est désormais non seulement possible de faire état de la réalité de la répression meurtrière effectuée sous la direction de Maurice Papon, mais une plaque commémorative a été érigée sur le pont Saint-Michel. Me Lagarde revient sur les éléments du procès et la défense de NP qui indique avoir été interrompue par RG, ce qui aurait créé une confusion sur ses propos. Selon lui, les émissions comme le Grand Face à Face constituent de l’« infotainment » (information-divertissement) dans lesquelles ce qui prime c’est l’attention du public, les effets de communication, et que les participants sont habitués à être interrompus, cela faisant partie de l’exercice et étant accepté par les participants. Sur les propos incriminés, RG ne l’interrompt pas, RG parle sans équivoque du génocide et de la responsabilité de la France. Elle répond qu’il faudrait ouvrir les archives mais qu’on ne lui ôtera pas l’idée que […] il y avait des salauds contre des salauds. Me Lagarde revient sur l’histoire du Rwanda notamment les massacres de 59, l’exil des Tutsi qui gagnent leur vie en tant que mercenaires et portent Museveni au pouvoir en Ouganda, la tentative de retour en 90, les accords d’Arusha et le début du génocide en 1994. Il évoque PSE pour qui le sujet du Rwanda est un sujet atomisé. Il félicite le Président Macron d’avoir lancé un travail sur l’histoire par la voie du rapport Duclert. Il cite Hegel et son concept d’histoire réfléchissante, qu’il définit comme une histoire réfléchie qui confronte l’histoire à des faits établis, une histoire qui s’établit de manière rationnelle et documentée.

Selon Lagarde, le rapport Duclert s’inscrit dans ce registre. Lagarde revient ensuite sur le pouvoir en France. Il rappelle qu’en France, à cette époque, Le pouvoir s’exerce de manière particulière. Peu de gens décident : Mitterrand, malade, Védrine en tant que maire du palais. Les militaires agissent sur la base d’ordres données « à la voix ». Ceci peut également expliquer les choix fait par la France.

Mais cela ne change rien à la réalité du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda. Lagarde relève que peu de gens ont parlé ces 2 jours du génocide. les seuls journalistes à l’avoir fait sont SAR et PSE. D’autres ont trahi leur métier. Ceux qui ont parlé de salauds contre d’autres salauds. Lagarde rappelle que NP a par ailleurs laissé la parole à Péan qui dit sans trembler qu’il y a eu un double génocide.

Lagarde revient ensuite au droit pénal.

Quand on parle de salaud contre salaud à quelqu’un qui parle de génocide, on les renvoie dos à dos. On ne peut pas comparer des massacres à un génocide. c’est une minoration. PSE utilise le néologisme de confusionnisme, en réalité cela sonne comme « on s’en fout », et on ne peut pas accuser la France d’y avoir pris part. La dernière défense consiste à dire je me suis repenti.

Lagarde revient sur l’émission du 25 mars où NP s’excuse mais il oppose que le droit pénal est clair. Selon lui le repentir actif est inopérant, il ne peut pas faire disparaître l’élément intentionnel.

Richard Gisagara

RG démarre en rappelant que la Communauté Rwandaise de France (CRF) suit avec attention ce procès, la CRF mais aussi tous ceux qui ont compris que le génocide n’est pas un accident de l’histoire, comme peuvent l’être Fukushima ou Tchernobyl. L’autre particularité est que le génocide ne se termine pas. Les massacres se terminent mais les séquelles ne partent jamais vraiment. RG revient sur la genèse de la modification de la loi qui a étendu au génocide des Tutsi, en 2017, la possibilité de punir toute contestation de crimes contre l’humanité.Il précise que le texte de la loi a été suffisamment détaillé pour rendre possible la condamnation de tout fait négationniste y compris quand il se déguise sous la forme de recherche d’une supposée vérité historique, notamment dans le cadre de l’arrêt Garaudy du 12 septembre 2000.

RG rappelle que celui qui prépare un génocide, prépare également un plan de communication pour le nier. Ce plan apparaît clairement quand s’intéresse au plan de communication déployé avant, pendant et après le génocide.

Selon RG, NP utilise le même procédé. RG fait référence aux pièces 7,8,9 et 10 du dossier qui attestent, avant le génocide, que pour préparer la population à tuer, les journaux n’hésitaient pas à dire que les Tutsi allaient s’en prendre à tous les Hutu.

Il cite par la suite une pièce datée de juin 96 (page 37) dans laquelle Théoneste Bagosora clame que les massacres découlent de clivages ethniques et ces clivages n’auraient jamais existé si les exilés Tutsi n’avaient pas commis des exactions contre les Tutsi.

Les propos des négationnistes, rappelle RG, consistaient aussi à clamer qu’il n’y avait pas eu de préparation du génocide, qu’il s’agissait simplement d’une légitime défense. RG s’adresse ensuite au Ministère Public pour souligner que, au moment où la question de la modification législative a été évoquée, notamment lors du débat sur la question prioritaire de constitutionnalité, le Ministère Public n’a jamais été favorable à l’extension de la loi à la contestation de génocide autre que la Shoah.

RG rappelle qu’un des arguments consistait à dire qu’il ne fallait pas ouvrir la boite de Pandore. RG revient ensuite sur l’argumentaire développé par la défense concernant le FPR. Selon lui, la défense fait le procès du FPR de la même manière qu’un procès a été fait au pangolin au début de la pandémie. Tous les crimes évoqués par la défense n’ont jamais fait l’objet de condamnation. Pourtant, selon RG, la défense indique que « tout le monde sait ». RB demande même à la cour de le croire sur parole qu’il y aurait 200.000 morts alors même que l’arrêt de la cour d’assise a battu son argumentaire en brèches.Il est facile de manipuler les gens en faisant croire au protocole des sages de Sion. L’argument consiste à dire que le lobby Tutsi empêcherait la vérité d’éclater.

Rachel Lindon

RL commence par reconnaître que son combat aux côtés des victimes de génocide et de crimes contre l’humanité relève d’un atavisme familial. RL rappelle ensuite que quand on lit sur le génocide, on apprend que la négation est consubstantielle au génocide. Avant le génocide, les négationnistes vous mettent en garde, ils prétendent que les Tutsi vont vous envahir, que leurs femmes sont dangereuses.

Après le génocide, ils invoquent que les Tutsi tirent les ficelles, ils ont le pouvoir, et pourtant eux aussi ont commis l’impensable. RL cite les auteurs Jacques Sémelin, Allison Desforges qui ont travaillé sur les mécanismes du négationnisme. Les négationnistes prétendent que ce sont les autres qui vont vous tuer, alors il faudrait les tuer d’abord. RL note ensuite qu’on retrouve dans ce procès, les mêmes acteurs que dans les procès contre les génocidaires présumés. Les mêmes avocats, les mêmes arguments.

RL relève même que la partie adverse a même parlé de faussaire en parlant de PSE. Selon RL, la partie adverse accuse les témoins d’être nécessairement payés par le FPR pour leur témoignage, quand ils n’agissent pas sous la contrainte ou la peur. Dans le procès Simbikangwa, les témoins de la défense incluaient déjà P.Péan, qui évoque la théorie du double génocide. On retrouve le même débat sur le régime de Kigali. La partie adverse relate qu’on n’a pas le droit de parler de Kagame, RL note que la partie adverse a pourtant eu tout le loisir de le faire. La partie adverse demande 15.000 euros en invoquant une procédure abusive de la part des parties civiles.

RL rappelle pourtant que France Inter a parlé d’émoi suite aux propos de NP. Le CSA a également évoqué un vif émoi. De nombreux témoignages ont confié avoir été choqués par ces propos. RL en conclut qu’il ne peut y avoir de procédure abusive. Selon RL, les propos tenus le 18 mars constituent la v1 pour NP. RL revient sur l’émission qui a pour thème le génocide des Tutsi et la responsabilité de la France.

Ensuite, RL fait état du droit de suite du 25 mars demandé par Ali Badou qui a reconnu que les propos ont choqué. Pour autant, RL attire l’attention sur le fait que les propos du 25 mars sont sensiblement différents de ceux du 18, ce qu’elle appelle la v2. RL rappelle que préciser sa pensée ce n’est pas apporter un correctif. En effet dans la v2 elle modifie ses propos en reconnaissant qu’il y avait bien des victimes et des bourreaux.  Le mal est fait.

V3 à l’audience

V4 : ce n’est pas « je » c’est le gouvernement français. Quand on dit salauds contre salauds on met bien sur un même pied d’égalité alors même qu’on parle de quelque chose qui est limpide.

NP dit qu’elle ne peut pas être accusée de négationnisme car elle l’a reconnu. Mais si la loi a précisé « nier, banaliser, minimiser » c’est que le législateur voulait appréhender les différentes formes que peut revêtir le négationnisme. D’après RL, ce que NP dit rentre précisément dans le champs d’application de la loi. Elle fait référence au professeur Rafaëlle Maison. Elle précise aussi que, contrairement à ce qu’a essayé d’indiquer la défense, ces accusations ne nécessite pas de dol spécial.

RL demande au tribunal de juger la v1. «Ne vous laissez pas berner par des corrections, par un dol spécial, par la personne» car ce sont les propos qu’on juge. Ceux de la première version. RL cite enfin H.Dumas dans son article paru dans la revue Esprit dans lequel elle dit que le négationnisme peut prendre la forme de simplification dans laquelle on renvoie dos à dos bourreaux et victimes. Cela relève de l’anachronisme et du relativisme ce qui est dangereux. RL opère ensuite une comparaison : si je vous parle de la Shoah et que vous me répondez oui mais vous avez vu ce qu’Israël fait aux Palestiniens, tout le monde, dans ce cas, comprendra qu’il y a eu minimisation ou relativisation. RL ajoute que Marianne n’a jamais parlé dans ses articles du génocide, de la responsabilité de la France, n’a jamais donné la parole aux rescapés.

En revanche, elle souligne que Marianne a laissé la parole à des négationnistes et à des auteurs d’articles condamnant le régime de Kigali. RL reconnaît toutefois que c’est son droit. RL conclut en réaffirmant qu’elle n’agit pas pour le compte du FPR. RL rappelle que ce n’est pas Marianne ou NP que l’on juge, mais ses propos. RL finit en déclarant qu’il faut qu’il y ait la même religiosité dans ce génocide que pour la Shoah.

Procureur (MP)

Madame le Procureur démarre par une citation de « une saison de machettes » de J.Hatzfeld qui précise que tous les génocides interviennent en pleine guerre, ils arrivent en période de non-droit ». MP rappelle que la cour a pour mission de trancher un désaccord sur l’interprétation à donner des propos de NP. Ce désaccord doit être tranché au regard de la loi.

MP reprend les propos des différents témoins.

  • Scholastique : les propos de NP ont réouvert des blessures profondes.
  • PSE : les propos sont confus et ambigus.
  • SAR : les propos sont confus et peuvent s’inscrire dans une pensée évocatrice du double génocide.
  • MP confirme que c’est bien la 1ère fois que la cour a à connaître d’une procédure de contestation de crime de génocide contre les Tutsi.

La démarche que devra suivre la cour pour statuer sur les faits est la suivante :

1. le contexte dans lequel les propos sont tenus. Le contexte est simple. C’est une émission en directe sur un sujet d’actualités. Les participants ne sont pas journalistes d’investigation mais des commentateurs de l’actualité.

2. les termes du débat

MP rappelle que le débat porte sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi.

3. qui est visé par les propos en cause

NP ne parle pas des 800.000 victimes.

Cela apparaît clairement dans les termes du débat. Il est question de savoir pourquoi la France n’a pas reconnu la mécanique génocidaire qui se mettait en place.

4. les propos tombent-ils sous le coup de la loi

MP répond sans ambiguïté à la question : il n’y a pas de négation du génocide. il est question du rôle de la France. La reprise des mots a été maladroite.

PSE a été assez clair : pas de négationnisme mais du « confusionnisme ».

Selon le MP, nous ne sommes pas en présence d’une minimisation outrancière. Il ne faut pas faire dire au prévenu ce qu’il n’a pas dit.

La Défense

JYD

  • Il rappelle à titre liminaire, en réponse aux propos de RL, qu’on ne peut pas assimiler 1 avocat à celui qu’il défend. C’est indigne de la profession.
  • Il remercie la cour qui a permis au débat de se tenir et a été un lieu de maturation de la pensée.
  • Il rappelle que la 17e chambre est le lieu de débats historiques et sociologiques.
  • JYD considère que la poursuite est grave, injuste et dangereuse.

* Grave car elle concerne 1 fait historique majeur, un des plus graves de la 2ème moitié du XXe siècle.

* injuste car la procédure vise une personne équilibrée, humaniste, qui questionne beaucoup, rencontre et débat avec beaucoup de monde. On lui colle une étiquette de négationniste ce qui est injuste.

* dangereuse car la négation du génocide est quelque chose de terrible mais la banalisation de la mauvaise poursuite est plus grave, le danger est bien là. Le tribunal n’est pas le juge de l’histoire mais le juge du droit.

JYD rappelle que l’article de loi prévoit la condamnation de la négation du « génocide rwandais » sous toutes ses formes.

Les propos de NP, selon JYD, doivent être analysés comme l’a fait le MP.

JYD reprend ensuite les propos de l’émission, notamment le fait que NP reconnaît l’existence du génocide.

JYD qualifie l’émission du 25 mars, non pas comme 1 repentir actif, mais comme une explication de texte.

Il revient sur l’audition de PSE. Quand on interroge PSE sur le fait qu’évoquer les crimes du FPR revient à nier le génocide, PSE et SAR n’ont pas répondu. SAR est même parti, selon JYD, dans un long développement historique.

JYD dresse ensuite un parallèle avec les cas des procès de Faurisson, Le Pen et Garaudy. Ici les propos retenus sont inadmissibles.

JYD rappelle que la minoration est caractérisée notamment quand Le Pen qualifie la Shoah de détail de l’histoire.

Il fait référence à une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme dans laquelle celle-ci a précisé l’importance de la liberté d’expression et ce même quand les propos «heurtent, choquent ou inquiètent»

 Il revient ensuite sur les déclarations de plusieurs des témoins.

Il commence par celui de Brauman, l’auteur initial de l’expression «salauds contre salauds». Il rappelle que celui-ci a raconté les exactions qui avaient été commises et que la France avait pu se méprendre.

Il revient ensuite sur les propos de PSE qui reconnaît que les propos de NP n’évoquent pas l’existence d’un double génocide.

JYD revient ensuite sur le sujet du FPR et l’audition de CdP.

Quand CdP a été informée des exactions du FPR, elle a voulu instruire sur toutes les exactions dénoncées. Elle s’est vue opposer un refus catégorique de PK. Elle va même jusqu’à écrire au Secrétaire Général des Nations Unies et se rend à New York au siège de l’ONU. Par la suite elle n’est pas renouvelée dans son mandat. Il revient sur le témoignage de Scholastique qui parle de réconciliation. Si on veut réconcilier selon JYD, il ne faut pas que ce soit le tribunal des vainqueurs. Il fait ensuite référence à la Commission Vérité et Réconciliation mise en place en Afrique du Sud à la chute de l’Apartheid. Cette commission a regardé en face tous les crimes commis. Au Rwanda, si on poursuite sur cette voie, on ne parviendra jamais à une réconciliation, surtout si on accepte ce type de procédure. C’est pour cela que JYD souhaite que la cour reconnaisse que la constitution de partie civile est abusive.

Me Florence Bourg (FB)

« On ne condamne pas quelqu’un pour des propos qu’il n’a pas tenu » (*3).

FB qualifie le procès d’acte de « baillonnage », de censure de la liberté d’expression.

Elle estime que PSE a été le meilleur avocat de la défense.

FB considère que NP n’a jamais parlé du génocide des Tutsi.

La LICRA s’est désistée, l’UEJF ne s’est pas constituée.

Le procès est une tentative de suppression du débat. La censure existe depuis 20 ans sur la question du génocide. Chaque rapport qui évoque les crimes de guerre est censuré.

FB précise qu’Allison Desforges, dans son livre « Aucun témoin ne doit survivre : Le génocide au Rwanda », consacre 3 chapitres aux crimes commis par le FPR.

FB fait état d’une autre censure, celle de CdP, qui a pourtant traqué tous les génocidaires.

Dès qu’elle a commencé à enquêter sur le FPR, en secret, elle subit des pressions et va s’exprimer devant le Conseil de Sécurité de l’ONU.

FB relate le fait que les associations AVEGA et Ibuka Rwanda ont suspendu leur coopération avec CdP dès qu’elles ont eu connaissance de ses enquêtes.

FB liste un autre exemple de censure, concernant le rapport Mapping, sous la direction de Louise Argo, portant sur les 2 guerres du Congo.

Le seul moment où ce rapport revient sur le devant de la scène c’est à l’occasion de la remise du prix Nobel de la paix à Denis Mukwege.

Pour FB, dès qu’une critique est portée au régime rwandais actuel, on est taxé de négationnisme.

Elle considère que la loi rwandaise de 2010 condamnant la négation du génocide a été instrumentalisée par le régime pour attaquer tout opposant. Elle revient sur le cas de Kizito, condamné à 10 ans de prison pour négationnisme, libéré uniquement sous pression politique. Idem pour un avocat américain (Peter Erlinder), qui a défendu une candidate (Victoire Ingabire) aux élections présidentielles face à PK, et qui a été arrêté pour avoir nié le génocide des Tutsi.

FB revient sur le fait que les personnes accusées de négationnisme sont marquées au fer rouge. Elle prend pour exemple Pierre Péan qui est qualifié de négationniste, tout comme Stephen Smith, alors même qu’il a été relaxé par le tribunal en 2008, que sa relaxe a été confirmée en appel et en cassation.

Pourtant, il est qualifié de négationniste dans une émission de France Culture par H.Dumas. FB rajoute : le militantisme peut devenir aveuglant. Elle demande à ce que la procédure soit reconnue comme abusive pour cette raison.

 Fin des plaidoiries

NP revient à la barre pour clôturer l’audience. NP souhaite adresser quelques mots à l’attention de Scholastique, Espérance et pour ceux qu’elles venaient représenter. Elle insiste sur le fait que rien ni personne ne pourra leur enlever leur statut de victime, quel que soit le verdict de ce tribunal.NP répète qu’elle fait son travail avec responsabilité et avec conscience. Elle considère que le mot journaliste implique une responsabilité. Elle précise que, dans l’émission en cause, ce n’est pas elle qui est péremptoire et qui croit détenir la vérité. Elle ajoute qu’elle se demande comment les journalistes et les historiens pourront aborder ce sujet si elle est condamnée.

L’audience est ensuite levée par la Présidente qui informe les parties que le délibéré sera rendu le Vendredi 20 mai 2022 à 13h30.

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