Le centre Edmond Fleg de Marseille a décidé de créer un jardin des justes qui honorerait la mémoire des justes qui se sont distingués par leur courage dans les périodes des génocides. C’est un projet qui est en en construction. Ibuka France s’est associée à l’élaboration de ce projet car les justes qui se sont distingués durant le génocide perpétré contre les Tusi du Rwanda en 1994 pourraient être distingués par leur bravoure au péril de leur vie.  Ibuka France proposera au centre Edmond Fleg de Marseille des noms de justes rwandais. Ce projet est essentiel pour développer des activités pédagogiques.

Voici le mot de Marcel Kabanda, Président d’Ibuka France, sur ce projet

Justes et jardins, forment les deux faces d’un miroir à travers nous pouvons revoir le monde ancien. Celui qui a été ébranlé par la haine, la trahison et la mort. Ils configurent la possibilité d’être de nouveau ensemble, vivants et joyeux. En Kinyarwanda, deux noms désignent les femmes et les hommes qui au péril de leur vie en ont sauvé d’autres : indacyemwa (sans tâche, ceux auxquels on ne peut rien reprocher) ou abarinzi b’igihango, littéralement : les gardiens du pacte ou de l’alliance. Je préfère le deuxième. Le premier est trop passif. Le second fait du juste rwandais des piliers ou des leviers du redressement des valeurs et du monde qu’elles portent: Le génocide est un acte de rupture dans la chaine verticale et horizontale de l’humanité. Il sépare, isole, met de côté et fait disparaître. Il rompt des liens qui au-delà du sang et de la biologie fait que nous sommes tous frères et sœurs. Le juste est celui qui a maintenu le lien, celui qui a gardé allumé le cierge qui éclaire pendant que les assassins étendaient sur le monde les ténèbres de la haine et de la mort. Tous les justes du monde méritent plus qu’un bouquet de fleurs, un jardin ! Le voilà !

Le jardin ne dit pas : « voilà nous sommes contents malgré ce qui nous est arrivé, nous sommes heureux en dépit de ce qui a été fait à nos parents, nous sourions malgré l’humiliation qui a été infligée à nos frères et à nos sœurs ». Ce n’est pas un pied de nez aux assassins. C’est un acte de révolté, d’insurrection contre l’interdiction aux enfants d’aller jouer avec les autres parce qu’on leur a collé un tissu sur lequel on a cousu l’étoile jaune, c’est affirmer notre droit à tous d’être au monde, de nous émerveiller face à ses beautés et de respirer ensemble le parfum qu’elles exhalent !

Le projet de révolte que je forme n’est pas simple. Il faut qu’on les y pousse pour que ceux qui se sont comportés en gardiens de leurs frères s’alignent spontanément derrière l’étendard des justes. Les survivants qui peinent à renouer avec l’humanité n’ont pas toujours en eux l’énergie que la révolte demande. Le printemps au-dehors peut être insupportable quand il gèle dedans. Lorsque le poids du souvenir devient trop lourd, lorsque l’exubérance du printemps paraît insolente et assourdissante, c’est vers la monotonie de l’automne que l’âme se penche en quête de la fraicheur qui redonne vie.

Nous ne crions pas aujourd’hui « victoire ». Mais nous traçons le chemin pour que demain, nos enfants ne se fourvoient pas ! Nous faisons un pari qu’il revient à l’humanité de relever. L’humanité, c’est à la fois la planète et la personne. L’une ne peut aller sans l’autre. Nous le savons aujourd’hui. Le jardin et le juste sont la symbolique de l’attente la plus forte de notre temps, l’homme et la biosphère.

Ibuka France y souscrit, se félicite d’avoir été associée et remercie celles et ceux qui ont pensé ce concept.

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