3. RECETTES COMPLOTISTES

Kagame, Machiavel des Grands Lacs. Sous couvert de « raison » et de quête de « vérité », on trouvera très peu d’intérêt pour les victimes du génocide dans les phrases de Mme Rever. Quand ils ou elles apparaissent, c’est pour abonder sa thèse centrale selon laquelle « les Tutsis de l’intérieur, c’est-à-dire ceux vivant au Rwanda par opposition à ceux qui grandirent comme réfugiés en Ouganda, au Burundi, au Congo et en Tanzanie, furent sacrifiés » par le chef du FPR et actuel président rwandais, Paul Kagame. Celui-ci se voit accusé d’avoir utilisé le génocide « comme [une] passerelle pour atteindre le pouvoir ». Cette métaphore utilisée par l’un des témoins-mystères cité dans l’article illustre, avec une ironie tragique, le rapport très utilitaire qu’entretient l’autrice à ce sujet.

Afin d’asseoir le statut de maître comploteur de Paul Kagame, elle en dresse un portrait indirect en mobilisant un supposé consensus international : « Kagamé est bien vu du monde entier parce qu’il a fait croire qu’une majorité de Hutus a tué les Tutsis. » La généralisation induite par une telle phrase mobilise la connivence autrice/lectorat nécessaire au récit complotiste. Judi Rever se présente en journaliste-seule-contre-tous et nous invite à rejoindre sa lutte. En l’occurrence, une recherche rapide sur des sites de journaux « du monde entier » suffit à vérifier la fragilité de cet axiome. Les articles répondant au mot-clé « Kagame » livrent un portrait moins flatteur que prévu.[1]

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